Nette reprise de l’emploi dans le secteur de l’hôtellerie-restauration avec des contrats plus longs

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16/5/2024
10
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Par
Antoine Martin

Introduction

Quels sont les derniers chiffres de l’emploi touristique en France ? Les dernières publications de l’Insee concernant l’emploi touristique national datent de 2022 sur des chiffres de 20191 et évaluent à 1,7 millions le nombre d’emplois du tourisme. L’Urssaf propose également des indicateurs d’emploi qui esquissent l’évolution à moyen et long terme des emplois du secteur. Ces indicateurs se focalisent sur les déclarations automatiques des employeurs privés – signatures de nouveaux contrats, nombre de salariés et masses salariales. Grâce à cette source de données originale, il est possible de tracer les évolutions récentes du secteur de l’hôtellerie-restauration en données désaisonnalisées.

France Tourisme Observation incorpore, traite et représente sur des visualisations ces données d’une richesse précieuse pour l’observation de la filière touristique dans l’application Sociotourisme. Ce premier article condense les observations conjoncturelles tirées du travail réalisé sur la plateforme pour avoir un portrait à jour de l’emploi de la filière. D’autres informations notamment sur les aspects structurels de l’emploi touristique – comme le nombre d’établissements employeurs à des échelles territoriales très fines – sont disponibles sur l’application et ne seront pas traitées dans cet article.

Une hausse du nombre de salariés de l’hôtellerie-restauration

Depuis 2019, le nombre de salariés de l’hôtellerie-restauration est tendanciellement en hausse nette malgré un creux significatif pendant la période covid. En effet, on compte 14 % de salariés supplémentaires dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, passant de 1,17 millions d’emplois au 1er trimestre 2019 à 1,32 millions au 1er trimestre 2023.  

Cette hausse nette s’est accrue notamment à compter du deuxième trimestre 2022 : entre le premier trimestre 2019 et le premier trimestre 2022, le nombre de salariés de l’hôtellerie-restauration a augmenté de 7%. Cette hausse est cependant de 10% si l’on regarde entre le 1er trimestre 2019 et le 2ème trimestre 2022 sur les données désaisonnalisées, marquant une rupture nette de tendance. Cette rupture correspond à un rattrapage de l’activité touristique et donc des recrutements du secteur en période post covid.

Figure 1 : Effectifs salariés du secteur de l’hôtellerie-restauration depuis 2019 à l’échelle nationale, en valeur absolue et en base 100.

Note de lecture : Au 3ème trimestre 2023, le secteur de l’hôtellerie-restauration compte tendanciellement 1,34 millions de salariés, soit une hausse de 14% par rapport au 1er trimestre 2019 (indice base 100 : 114 par rapport à 2019T1)

Une évolution plus favorable aux régions les plus touristiques

Toutes les régions de France connaissent un accroissement tendanciel des effectifs salariés de l’Hôtellerie-restauration entre le 1er trimestre 2019 et le 3ème trimestre 2023 (en excluant les variations saisonnières). Cependant, l’évolution par région du nombre de salariés de l’hôtellerie-restauration montre des disparités importantes dans cet accroissement :  

  • Plusieurs des régions les plus touristiques de France – Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bretagne, Auvergne-Rhône-Alpes et Normandie – ainsi que la région Hauts-de-France ont des hausses supérieures à à la hausse nationale (de 14%).
  • A l’inverse, les régions Île-de-France et Bourgogne-Franche-Comté ont des taux d’accroissements plus faibles, la région parisienne n’accroissant que de 9% ses effectifs salariés du secteur de l’hôtellerie-restauration sur la période observée. Cet accroissement, certes important, est néanmoins nettement en dessous de l’accroissement national.

En réalité, au sein de chacune de ces régions, l’accroissement demeure là aussi hétérogène :

Ainsi, en Occitanie, ce sont les départements méditerranéens qui connaissent les hausses les plus importantes, avec plus de 17% de hausse du nombre de salariés. Les accroissements sont nettement plus faibles dans les départements moins touristiques de la Lot, Lozère, du Tarn-et-Garonne, et de l’Aveyron (avec des taux d’accroissements compris entre 6 et 10%), soit des vitesses de hausse des emplois une fois et demie à trois fois inférieure à l’échelle nationale.  

En région Nouvelle-Aquitaine, ce sont les Landes et la Gironde (resp. +20% et +17%) ainsi que deux départements limitrophes de l’arrière-pays, le Lot-et-Garonne et la Dordogne (resp. 24% et 22%), qui connaissent également parmi les plus importantes hausses sur tout le territoire. A l’inverse, la Charente et les Deux-Sèvres connaissent des hausses moins élevées que nationalement (+12% et +12% resp.) mais restant du même ordre de grandeur.

En Auvergne-Rhône-Alpes, les départements ayant les plus fortes hausses sont la Savoie (+24%) et la Haute Savoie (+20%), ainsi que le Rhône et l’Ardèche (resp. +16% et +17%). A l’inverse, ce sont les départements du Massif Central (Allier et Puy-de-Dôme) à la notable exception du Cantal, qui connaissent des hausses plus contenues de l’emploi de 7 à 9%, soit près de la moitié de la hausse nationale.

Figure 2 : Cartographies de l’évolution tendancielle (corrigée des variations saisonnière) en pourcentage entre le 1er trimestre 2019 et le 3ème trimestre 2023 des effectifs salariés du secteur de l’hôtellerie-restauration, à l’échelle régionale et départementale.

Note de lecture : Entre le 1er trimestre 2019 et le 3ème trimestre 2023, en Nouvelle-Aquitaine, le secteur de l’hôtellerie-restauration connaît une hausse de 16% du nombre de salariés.

Une baisse des signatures de contrats saisonniers traduisant la difficulté de recrutement depuis 2022… mais hausse des recrutements de contrats longs et des salaires

Le secteur de l’hôtellerie-restauration se caractérise d’abord par un nombre élevé de recrutements par rapport au nombre de salariés en poste : au total, on décompte 1,08 millions de contrats signés au 3ème trimestre 2023 (dont 684 000 CDD de moins d’un mois) contre 1,34 millions de salariés comptabilisés au 31 septembre 2023. Sur ce nombre de salariés comptabilisés, une partie provient donc directement des signatures de contrats mesurées sur le même trimestre, mais tous les contrats dont le terme échoit avant le 31 septembre n’y sont pas comptabilisés : l’estimation réelle du nombre de salariés total est donc rendue difficile car on se place directement après la période estivale, et non pas en plein cœur de celle-ci.

Au-delà de la comparaison des deux chiffres, et à l’opposé de la dynamique pour les effectifs salariés, le secteur rencontre une baisse du nombre de recrutements. En effet, en tendance, le nombre total de contrats signés a reculé de 3%, passant de 1,11 millions de contrats signés en mars 2019 à 1,08 millions en décembre 2023. Sur l’ensemble de l’année 2023, à chaque trimestre, on signera entre 3 à 5% de contrats en moins par rapport au 1er trimestre de 2019.

La part la plus importante de cette baisse provient d’une chute tendancielle des recrutements en contrats courts – CDD de moins d’un mois – avec une baisse de 10% entre les deux périodes. Ceux-ci représentent la majorité des nouveaux contrats signés, à raison de 672 000 CDD signés de moins d’un mois par trimestre en vision tendancielle en mars 2023 (sur 1,07 millions de contrats signés au total sur le trimestre).

Cependant, le nombre de contrats plus longs signés – CDD de plus d’un mois ainsi que les CDI – est en nette hausse depuis 2019 : +13% de CDD longs, et 19% de CDI entre 2019 et 2023, correspondant respectivement de 20 000 CDD et 40 000 CDI signés entre les deux périodes.

Figure 3 : Déclarations préalables à l’embauche (DPAE) du secteur de l’hôtellerie-restauration depuis 2019 à l’échelle nationale, en valeur absolue et en base 100.

Note de lecture : Au 4ème trimestre 2023, 1,08 millions de DPAE sont recensées pour le secteur de l’hôtellerie-restauration, soit une baisse de 3% par rapport au 1er trimestre 2019 (indice base 100 : 97 par rapport à 2019T1)

Ces chiffres sont en lien avec une difficulté croissante remontée par les professionnels de l’hôtellerie-restauration à recruter des saisonniers au sein de la profession depuis 2022. En effet, les difficultés de recrutement sont déjà abordées dans la presse en 20222 et 20233. En parallèle de ces difficultés, on constate une hausse tendancielle du recours à des contrats plus longs, c’est-à-dire des CDD de plus d’un mois et en CDI. En décembre 2023, le nombre total de CDI signés est en hausse de 18% (resp. 13% pour les CDD de plus d’un mois) par rapport à 2019, et ce résultat est valide pour tous les trimestres de 2022 et 2023.

Une hausse des salaires du secteur

En parallèle, la tendance est à la hausse des salaires moyens mensuels par tête mensuel depuis 2022, avec au 3ème trimestre 2023 une hausse de 13% des salaires moyens par rapport au 1er trimestre 2019. Cette hausse de 13% est imputable essentiellement aux deux dernières années, sachant qu’au 1er trimestre 2022, la hausse salariale est seulement de 2% par rapport à la même période en 2019. Cela signifie donc qu’en tendance, c’est sur les deux dernières années que les salaires moyens ont augmenté à la faveur de l’inflation et du retour de l’activité.

Figure 4 : Salaire moyen par tête du secteur de l’hôtellerie-restauration depuis 2019 à l’échelle nationale, en valeur absolue et en base 100.

Note de lecture : Au 3ème trimestre 2023, le salaire moyen par tête brut de l’hôtellerie-restauration est de 1989 euros, en hausse de 13% par rapport au 1er trimestre 2019 (indice base 100 : 113 par rapport à 2019T1)

Conclusion

Plusieurs tendances et résultats importants sont mis en exergue par notre analyse :  

  • Le nombre de salariés de l’hôtellerie-restauration a tendanciellement augmenté depuis 2019 de l’ordre de 14% à l’échelle nationale.
  • Les régions Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bretagne, Auvergne-Rhône-Alpes et Normandie ont connu parmi les hausses les plus importantes du nombre de salariés. Au sein de ces régions, ce sont à nouveau les départements les plus touristiques qui ont vu leur nombre de salarié le plus augmenter.
  • Moins de nouveaux contrats ont été tendanciellement signés depuis 2022. Ce résultat est d’autant plus marquant que les contrats courts – saisonniers – sont moins présents parmi les nouvelles signatures, au profit de contrats plus longs – CDD de plus d’un mois, CDI.
  • Les salaires moyens par tête ont tendanciellement augmenté depuis 2019, avec une nette accélération à compter du 2ème trimestre 2022.

Encadré technique

Le portail d’Open Data de l’Urssaf met à disposition des données de traitement automatisées sur le nombre de salariés et les masses salariales des différents secteurs, et les Déclarations Préalables à l’Embauche (DPAE, cf plus loin) à des fréquences trimestrielles et à différentes échelles. L’estimation exacte des salariés relevant de l’activité touristique est un sujet statistique complexe, car il est nécessaire d’estimer la part d’activité touristique de chacune des professions. Nous proposons ici de nous limiter à l’étude du secteur de l’hôtellerie-restauration à l’échelle nationale en employant les données désaisonnalisées calculées par l’Urssaf.  

Nos chiffres s’appuient sur deux statistiques : les effectifs salariés mesurés par l’Urssaf, ainsi que les déclarations préalables à l’embauche (DPAE).

Afin de conserver une cohérence dans notre analyse, nous exploitons les données relatives au secteur de l’hôtellerie-Restauration dans les deux domaines, bien que nous disposions dans le cas des données sur l’effectif salarié à l’échelle nationale de données plus précises sur les secteurs d’activité.

Effectif salarié

L’Urssaf définit l’effectif salarié de la manière suivante4 :

« Le concept d’effectif salarié historiquement retenu par l’Urssaf Caisse nationale pour les publications statistiques est l’effectif fin de mois (EFM) mesuré au dernier jour ouvré du mois. […]

Tous les autres salariés, à temps complet ou à temps partiel, y compris ceux en chômage partiel, comptent pour un dans l’effectif à inscrire sur le BRC, indépendamment de la durée de travail. Les données mobilisées ne permettent pas de corriger de la multi-activité, ce qui rapproche l’effectif présenté d’un nombre de postes de travail. Cet effectif réel en fin de mois diffère d’autres notions d’emploi faites en équivalents temps plein (ETP) ou qui excluent certaines catégories de salariés comme les emplois aidés. »

Le nombre de salariés est mesuré par l’Urssaf au dernier jour ouvré du mois. Le résultat se décline également pour les chiffres trimestriels. Ainsi, on observe le nombre de salariés encore en poste aux 31 mars, 31 juin, 31 septembre et 31 décembre de l’année en cours. On mesure ainsi le stock de salariés à différentes dates (deux trimestres par saison).

L’Urssaf propose deux types de mesure à chaque date : une mesure brute, qui prend en compte la totalité de l’effet saisonnier, et une mesure corrigée des variations saisonnières (CVS), qu’elle calcule. Cette dernière montre donc la tendance des variables observées pour le secteur.

L’Urssaf précise par ailleurs que « La série trimestrielle des effectifs salariés du secteur privé produite au niveau national, ainsi que celles déclinées par NACE 38 et par région sont labellisées par l’Autorité de la statistique publique. »

Déclarations Préalables à l’embauche

L’Urssaf met également à disposition les données de déclarations préalables à l’embauche (DPAE) : En première approximation, l’étude de ces formalités administratives permet de recenser l’ensemble des recrutements opérés pour le secteur du début du trimestre jusqu’à la fin de celui de celui-ci (par exemple, du 1er juillet au 31 septembre). Il est alors possible de décompter l’ensemble des flux entrants du secteur, qu’ils soient en CDI, CDD courts ou longs. Nous ne disposons pas en revanche des flux sortants, c’est-à-dire des fins de contrats, démissions, licenciements ou ruptures conventionnelles.

L’Urssaf précise ainsi5 :

« Le suivi statistique des déclarations d’embauche s’appuie sur les données issues de la déclaration préalable à l’embauche (DPAE). Cette formalité remplace la déclaration uniquement d’embauche (DUE) depuis août 2011.

La DPAE doit être réalisée au plus tôt huit jours avant l'embauche et au plus tard dans l'instant qui précède cette embauche. Il s’agit donc d’une formalité préalable à l’embauche qui, de ce fait, traduit une intention d’embauche à très court terme.

La base statistique des DPAE intègre en outre les embauches déclarées via un dispositif simplifié tel que le titre emploi service entreprise (Tese), le chèque emploi associatif (CEA) ou le Guichet unique du spectacle occasionnel (Guso). »

L’Urssaf précise par ailleurs que « Les séries mensuelles et trimestrielles des déclarations d’embauche produites au niveau national sont labellisées par l’Autorité de la statistique publique. »

Principaux Retraitements Statistiques

L’Urssaf précise dans sa note méthodologique pour le traitement statistique des DPAE :  

« Les valeurs manquantes (sur les types de contrats et les durées de CDD), désormais résiduelles, sont imputées à partir des distributions de DPAE par secteur d’activité (NACE732) de l’établissement.

En outre, des estimations des déclarations retardataires sont réalisées (environ 6 % pour le dernier mois et 1 % pour le mois précédent) en fonction du mode de saisie, du mois d’embauche et du type de contrat de travail. Ces estimations permettent aussi de tenir compte des retards liés aux délais de saisie des déclarations effectuées sur support papier. Les résultats présentés trimestriellement sont donc provisoires, notamment pour le dernier trimestre.

Les indicateurs présentés sont corrigés des variations saisonnières. Les coefficients saisonniers sont estimés sur les années 2000 à N-1 (N=année de publication) et sont revus une fois par an à l’occasion de la publication des données portant sur le premier trimestre (sur le mois de janvier en ce qui concerne les publications mensuelles). »